Protection de l'enfance
29 janvier 2019, modifié le 24 octobre 2024

Mieux accompagner les sortants de la protection de l'enfance avec La Touline

A l'occasion de la publication du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre consacré cette année à la situation des personnes sortant d'institutions, zoom sur La Touline un dispositif expérimental créé par Apprentis d'Auteuil pour mieux accompagner les jeunes issus de la protection de l’enfance en matière de logement, d'emploi ou de santé. Quel est le bilan trois ans après son lancement ? Réponse avec Cécile Valla, responsable du dispositif à Apprentis d’Auteuil.

La Touline, c'est quoi ?

Cécile Valla, responsable de La Touline à Apprentis d'Auteuil

En langage nautique, une touline est un cordage qui permet de passer une amarre du navire au quai. Lorsque nous avons créé ce dispositif en 2016 pour les jeunes sortants des structures de protection de l’enfance, nous voulions symboliser ainsi l’accompagnement qu’ils peuvent y recevoir. Car, le jour de leurs 18 ans, les jeunes confiés à l’Aide sociale à l’enfance passent du statut de mineur protégé à celui de majeur. Dans le contexte actuel de tensions budgétaires pour de nombreux départements (en charge de la protection de l’enfance en France, ndlr), l’accueil de ces jeunes s’arrête donc souvent à leur majorité. Or, l’accès à la vie adulte, pour tous autres les jeunes, se fait progressivement et souvent par tâtonnements. Car à 18 ans, un jeune ne peut pas être autonome et responsable sur tous les sujets. A travers La Touline, nous voulons donc donner du temps à ces jeunes et poursuivre le travail éducatif que nous avons entamé lorsqu’ils étaient accueillis en Maisons d’enfants à caractère social. Tout ne doit pas s’arrêter du jour au lendemain ! Ces jeunes, qui souvent ne bénéficient pas d’un appui de leur famille du fait de leur histoire, méritent aussi d’avoir une aide, un relais pour continuer à construire leur vie d’adulte. C’est la mission de La Touline.

Aidez-vous les jeunes en matière de logement ?

La Touline intervient principalement dans trois domaines. Nous proposons d’abord un lieu d’écoute et de dialogue : c’est une dimension très importante pour ces jeunes qui ont été placés en foyer par l’Aide sociale à l’enfance et qui ont souvent un réseau familial ou relationnel délité. Dans chaque Touline, le jeune est donc accueilli et suivi par une seule personne : le coordinateur Touline.
D’autre part, nous proposons à chaque jeune un accompagnement global et personnalisé pour toutes les questions de logement, de santé, de formation, d’emploi… Tous les domaines qui peuvent freiner leur accès à l’autonomie et à leur vie d’adulte.
Enfin, nous les aidons à s’intégrer dans la vie en faisant appel à des structures existantes : mission locale, entreprise d’insertion, bailleurs sociaux… L’idée étant aussi de s’appuyer sur d’autres partenaires du secteur associatif comme le Secours catholique ou Emmaüs selon les besoins de chaque jeune.

Combien de Toulines existent aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous en avons 6 à Paris, Dijon, Lille, Sannois, Nantes et Lyon. Nous accompagnons 330 jeunes au total. Elles ont bénéficié jusqu’à aujourd’hui du financement du Fond social européen (FSE), de la fondation BNP Paris-Paribas et de PAI Partners.

Quel bilan faites-vous trois ans après leur création ?

Une évaluation du programme a été menée par un cabinet extérieur, le cabinet Geste, de décembre 2017 à décembre 2018. L’idée était d’avoir un regard extérieur sur un dispositif expérimental d’Apprentis d’Auteuil initialement prévu pour trois ans. Il en ressort que La Touline contribue clairement à sécuriser les parcours des jeunes sortants des dispositifs de protection de l’enfance. Nous limitons ainsi le risque de dégringoler dans la précarité après leur sortie. Les jeunes accompagnés dans les Toulines sont également bien inscrits dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle. Grâce à l’écoute dont ils bénéficient dans ces structures, les jeunes gagnent aussi réellement en autonomie et en estime de soi. Le bilan étant positif, nous envisageons de poursuivre et d’ouvrir 10 autres Toulines d’ici 2020.
L’importance du suivi des jeunes sortants de l’ASE a d’abord été une intuition d’Apprentis d’Auteuil. Aujourd’hui, nous répondons à un véritable enjeu de société comme l’indique le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre et les premières mesures du plan de lutte contre la pauvreté annoncées au mois de septembre par le gouvernement. Nous envisageons donc d’ouvrir les Toulines à d’autres jeunes que ceux accueillis par Apprentis d’Auteuil.

La Touline : « Une aide pour ne pas se sentir abandonnée »

Priscilla, 25 ans est accompagnée depuis deux dans par La Touline de Lille. Elle témoigne : « Après avoir vécu dans la rue, j’ai été accueillie deux ans au RAP filles (Réseau d’accompagnement personnalisé), une structure d’Apprentis d’Auteuil près de Lille, destinée à aider les jeunes filles majeures en difficulté sociale.  En quittant le RAP, j’avais besoin d’aide pour pouvoir me débrouiller toute seule. A La Touline, ils m’ont aidé à faire une demande de logement, dans les démarches administratives et pour la CMU (couverture maladie universelle). Ils m’ont aussi soutenue quand j’ai eu des problèmes personnels.
Pour les jeunes sortants de la protection de l’enfance, il est indispensable d’avoir ce type d’aide, à la fois matérielle et morale, pour être rassurée et pour ne pas se sentir abandonnée. Mes démarches pour obtenir un logement ont enfin abouti ! Je vais bientôt pouvoir emménager dans un petit appartement du parc social. J’ai hâte d’y être et en même temps j’ai peur de me retrouver toute seule. Je vais pouvoir préparer mon concours pour devenir policière plus sereinement. »

Portrait de Mathieu, 20 ans, accompagné par Apprentis d'Auteuil
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