Formation et insertion
07 février 2017
Qui sont les jeunes NEET ?
Apparu à la fin des années 1990 en Grande-Bretagne, le terme NEET (Neither in Employment, Education or Training) est aujourd’hui de plus en plus employé pour désigner les jeunes en marge de la société au-delà de leur simple situation vis-à-vis de l’emploi. Explications. Félix LAVAUX
Au sein des pays développés, ils sont près de 40 millions ! « Ils », ce sont ces jeunes sans emploi qui ne suivent ni études, ni formation professionnelle. Pour qualifier ces jeunes qui ont quitté les bancs de l’école, mais qui n’ont pas encore trouvé leur place dans la société, il existe désormais le terme de NEET (Neither in Employment, Education or Training, ni en emploi, ni étudiant, ni en formation en français). Un acronyme, apparu pour la première fois dans un rapport du gouvernement britannique en 1999 (1), très utilisé aujourd’hui au point de devenir un indicateur officiel de la Commission européenne depuis 2010.
« C’est un indicateur statistique très utile que l’on utilise de plus en plus, note Stéphane Carcillo, économiste à la division des politiques sociales de l’OCDE. Le taux de chômage étant un pourcentage de la population active, qui est très variable d’un pays à l’autre, cela rendait les comparaisons internationales difficiles. » De plus, jusqu’à l’apparition de ce terme, les indicateurs traditionnels, comme le taux de chômage, permettaient d’appréhender uniquement la relation des jeunes au marché du travail. Le concept de NEET offre lui l’avantage de mieux prendre en compte la diversité des situations des jeunes et leurs difficultés (santé, famille, isolement géographique, logement…) qui sont autant de freins à leur insertion sociale et professionnelle.
(2) Source OCDE
(3) Niveau inférieur ou égal au premier cycle de l’enseignement secondaire, brevet des collèges ou équivalent.
1,8 million de NEET en France
En 2015, la France comptait 1,8 million de jeunes NEET, soit 16,6 % des 15-29 ans, près d’un jeune sur six (2). Un taux plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE, mesurée à 14,6%. Un chiffre d’autant plus alarmant pour la France que cette moyenne est "plombée" par la situation de certains pays comme la Grèce, l’Italie, ou l’Espagne où la crise a touché la jeunesse de plein fouet. Dans des pays économiquement comparables au nôtre, que sont l’Allemagne ou la Norvège, le nombre de NEET est deux fois moins élevé que dans notre pays. Pire encore, le nombre de jeunes ni en emploi, ni en formation en France ne baisse pas. Il a même tendance à augmenter : en 2015, on dénombrait ainsi 270 000 jeunes sans emploi et sortis du système scolaire de plus qu’en 2008, au plus fort de la crise économique. « La croissance en France n’a pas été suffisamment élevée pour absorber les jeunes qui sont sortis du système éducatif, avec ou sans diplôme », explique Stéphane Carcillo. Certains profils de jeunes, comme les décrocheurs scolaires par exemple, ont plus de risques de figurer dans cette catégorie : le nombre de NEET est ainsi trois fois plus élevé parmi les jeunes peu instruits que parmi les jeunes ayant un diplôme universitaire (3). Les jeunes issus de l’immigration, d’un territoire rural ou d’un milieu social défavorisé, y sont également surreprésentés.Des jeunes en "zone grise"
Au-delà des chiffres, le concept de NEET permet également de mieux appréhender la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les jeunes qui ont quitté les bancs de l’école, mais qui ne sont pas encore entrés dans la vie active. Une « zone grise » jusqu’ici mal connue où les jeunes semblent vivre en marge de la société. Cette situation peut d’ailleurs avoir des répercussions non négligeables sur la vie des jeunes eux-mêmes comme le soulignait en 2012 un rapport de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail : « Le fait d’appartenir à cette catégorie pendant une période plus ou moins longue peut s’accompagner d’une série d’effets négatifs sur le plan social, tels que la désaffection à l’égard de l’emploi, la relégation future dans des emplois précaires et mal rémunérés, la délinquance juvénile ou encore des troubles physiques ou mentaux ». Nous voilà prévenus ! Félix LAVAUX (1) « Bridging the Gap »(2) Source OCDE
(3) Niveau inférieur ou égal au premier cycle de l’enseignement secondaire, brevet des collèges ou équivalent.
Trois questions à… JOAQUIM TIMOTEO Chef de mission à l’INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire)
Qu’apporte ce concept de NEET ? Ce nouveau concept de NEET est né des politiques publiques qui tentent de prendre en compte la fragilité de la population jeune vis-à-vis de l’emploi, mais aussi en matière d’insertion ou d’éducation. Je traduirais ce terme de NEET, par « jeunes non insérés ». Ces jeunes qui sont ni en formation, ni en emploi donnent l’impression d’être dans une zone grise et le monde du travail, et au final de n’être nulle part ! Quelles sont les solutions ? La Garantie jeunes française est une déclinaison de la Garantie européenne pour la jeunesse adoptée en 2012 par la Commission dans le paquet de mesures « Emploi jeunes ». C’est la première fois qu’une politique publique cible spécifiquement les jeunes ni en emploi, ni en formation. L’emploi ne doit pas être toujours pris en compte en premier pour évaluer la situation de la jeunesse car il y a d’autres dimensions de l’individu (financières, familiales, sociales…) sur lesquelles il faut agir pour rendre possible l’accès à l’emploi ou à la formation. Les Écoles de la 2e chance, qui sont nées d’une idée européenne, ainsi que les EPIDE (Etablissement pour l’insertion dans l’emploi) et le service civique, me semblent être des dispositifs qui répondent bien à la problématique des NEET. Comment expliquer la spécificité française ? En France, il y aussi un problème culturel. Les entreprises font moins confiance qu’ailleurs aux jeunes qui débutent, notamment aux jeunes non diplômés ou aux jeunes issus des quartiers prioritaires. C’est une spécificité de notre pays où le poids du diplôme est très fort et où les jeunes n’ont pas le droit à l’erreur. Dans les pays du Nord de l’Europe, on donne une seconde chance aux jeunes et le retour en formation est plus facile. Propos recueillis par F.L.À lire dans la même thématique
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