Catherine Gueguen ou quand les neurosciences valident l'éducation bienveillante
ENTRETIEN. Pédiatre passionnée par l'éducation, Catherine Gueguen s'intéresse également aux études scientifiques du système nerveux. Elle explique dans cet entretien en quoi les découvertes récentes des neurosciences peuvent aider à repenser l’éducation. Propos recueillis par Agnès Perrot.
Pourquoi s'intéresser aux dernières découvertes sur le cerveau ?
Catherine Gueguen : Des études récentes en neurosciences affectives, l'étude des émotions et des capacités relationnelles, une science récente qui date d'une quinzaine d'années, prouvent que certaines expériences modifient en profondeur le cerveau des enfants, plus fragile et immature que ce qu'on avait imaginé et très malléable jusqu'à l'adolescence.
Notre cerveau atteindrait même sa pleine maturité uniquement à la troisième décade de notre vie dans certaines de ses zones ! Allan Schore, un des fondateurs de la discipline, directeur du département de psychiatrie de l'Université de Los Angeles, souligne ainsi la responsabilité des adultes dans le développement du cortex orbito-frontal (COF), zone du cerveau située à l'avant du front au-dessus des orbites et qui joue un rôle primordial dans nos capacités d'empathie : si les parents sont aimants, le COF de leurs enfants se développe normalement !
Une (autre) étude, réalisée en 2012 à l'université de Saint Louis, dans le Missouri, souligne également qu'une éducation empathique augmenterait le volume de l'hippocampe, petite partie du cerveau qui occupe une place centrale dans le fonctionnement de notre mémoire. L'impact est direct : les enfants soutenus et encouragés auraient une meilleure mémoire ! Bref, tout ce que vit le petit a un retentissement immense sur son circuit cérébral.
Le lien avec l'éducation est tout trouvé ?
Vous l'aurez compris ! Une éducation bienveillante est essentielle au bon développement du cerveau, aussi bien dans le domaine cognitif qu'affectif. Connaître le cerveau peut donc aider les adultes dans leurs relations avec leurs enfants pour leur offrir la chance de devenir un jour des adultes libres et heureux !
Je plaide pour ce genre d'éducation pour des raisons scientifiques. La parentalité positive est aujourd'hui validée par la science !
En cas de violence, comment le cerveau réagit-il ?
Dès qu'on stresse l'enfant par des paroles humiliantes ou qu'on le punit corporellement, il secrète des molécules de stress qui détruisent ses neurones dans des structures cérébrales particulièrement importantes pour lui.
Cette violence éducative ordinaire bloque également la production de la molécule cérébrale qu'est l'ocytocyne, ou molécule de l'amour, qui apaise, détend et rend empathique. Elle empêche aussi d'apprendre à réfléchir et à mémoriser. Penser clairement devient difficile.
Il faut également savoir que jusqu'à l'âge de 5 ans, le tout petit ne sait pas gérer ses émotions. Il ne fait pas exprès. Il ne peut tout simplement pas faire autrement car ses réseaux cérébraux ne sont pas assez fonctionnels. Il va donc agir sans recul.
Et en proie à l'angoisse ou à l'inquiétude, il aura besoin d'un adulte qui le comprenne pour s'apaiser et mettre des mots sur ses émotions. Sinon, cela le terrorise.
Beaucoup trop d'adultes ne sont pas informés de ces réalités et agissent avec leurs enfants par les menaces ou les cris, une attitude dure ou rigide, des humiliations verbales, voire des punitions corporelles. C'est la pire façon de faire pour le cerveau de l'enfant, avec des dommages irréversibles parfois.
Elle met en place des adultes anxieux, dépressifs ou au contraire violents ou entraine chez eux des perturbations physiologiques qui, installées, sont souvent à la base de difficultés affectives et comportementales.
Comment faire en tant que parent ?
Beaucoup d'adultes n'ont pas reçu suffisamment d'amour et d'échanges bienveillants durant l'enfance et mettent du temps à comprendre que leur attitude joue un rôle fondamental sur le développement affectif de leur enfant. Il leur manque ces notions de base et c'est vraiment dommage !
Mais rien n'est perdu et ils peuvent à tout âge apprendre à modifier leurs comportements s'ils en ont la volonté. Notamment à l'aide de la CNV (communication non violente) à laquelle je me suis moi-même formée.
Sur ces sujets, il existe aussi de plus en plus de conférences, livres ou autres interventions dans les média.
Vous parlez beaucoup d'empathie ?
Oui, et c'est bien le sens de ma mission à l'hôpital où je travaille avec les parents en leur proposant une aide éducative, notamment au moyen de l'haptonomie à laquelle je me suis également formée. Plus de pères et de mères qu'on ne pourrait le croire sont accessibles à une réflexion sur les méthodes d'éducation, quels que soient leur situation sociale et leur statut intellectuel.
Mon but, avec eux, c'est d'être soutenante et bienveillante, pour qu'à leur tour ils acquièrent une attitude bienveillante vis-à-vis de leur enfant.
Au fil du temps, ces parents, et tout parent qui le souhaite en profondeur, peuvent du coup développer l'auto-empathie. C'est-à-dire apprendre à accueillir leurs propres émotions, en prenant conscience qu'elles font partie intégrante de leur univers intérieur.
A quoi cela sert-il ?
Ainsi, ils comprendront que l'autre (en l'occurence l'enfant qui les dérange) n'est pas la cause première de ce qu'ils ressentent et que les vraies raisons de leurs ressentiments sont à l'intérieur d'eux mêmes.
Ils seront dès lors dispensés d'accuser leur enfant ou de s'en prendre à lui. L'empathie éveille le sens des responsabilités !
Et pour l'avenir ?
Il n'est jamais trop tard pour réfléchir à l'éducation qu'on donne à nos enfants et pour la repenser. Je le constate tous les jours avec l'excellent accueil des gens que je rencontre.
L'être humain n'est fait que pour le bonheur et l'amour. J'y crois totalement !
À LIRE de Catherine Gueguen :
À lire dans la même thématique